Crédit photo Allison Cordner
Démarche artistique
La sagesse populaire raconte que chaque voyage est tout d’abord un voyage intérieur. Aussi, chaque voyage me permet de nourrir mon appétit toujours grandissant pour les textures, les couleurs, les tissus, le bois, tout matériel organique.
Quand je marche dans les rues de la cité, dans des sentiers forestiers ou sur les côtes maritimes, je recherche la trace de l’homme, l’empreinte de la bête et les secrets enfouis dans la mer. Les couleurs font partie de mon ADN.
Quand je peins, je capte l’énergie de mon environnement, je m’en imprègne pour ensuite y laisser naître des formes humaines, animales ou végétales.
Au travers de mon œuvre, se côtoient les éléments de la nature. Que ce soit le feu que l’on retrouve dans la collection « Fuego » ou alors l’eau, et ses mouvements, dans la collection « Vu d’en haut », la nature y prend toute sa place. Les œuvres transcendent cette dualité présente dans la nature, tantôt forte et tantôt fragile, tantôt froide et tantôt chaude, tantôt évanescente et tantôt imposante. Et transcender le réel devient pour moi une seconde nature.
Ici ou en pays étranger, je capte des centaines de photos de paysages et de visages avec mon appareil photo. La photographie me permet d’appuyer ma propre mémoire de l’endroit visité. À l’étranger, je couche sur des rouleaux de papier des peintures déjà complétées du pays ou alors des esquisses à terminer à mon retour au Québec.
J’enregistre également des sons et des musiques traditionnelles. Plus tard, dans mon atelier, je puiserai dans toutes ces mémoires pour accéder à mon langage pictural. Par exemple, lors de mon voyage en Chine, j’ai enregistré, avec sa permission écrite, un jeune flûtiste chinois. J’ai pu alors développer dans mon atelier la série «Le fil de Chine» dans l’atmosphère retrouvée du pays. Je veux pouvoir transmettre sur la toile, avec précision et finesse, mon état intérieur influencé par un autre environnement que le mien.
La matière première de mes œuvres est principalement l’acrylique, façonné avec couteaux et pinceaux orientaux. À cela s’ajoutent des taches d’encre. Je travaille de l’opacité à la transparence. J’incorpore des pigments, sculpte l’empâtement sur la toile, incruste feuilles d’or et éclats de bronze. Depuis quelques années, j’intègre des fibres, des soies, des fragments de journaux, du papier de riz, du bois. Tous ces collages ajoutent de la profondeur aux toiles.
Récemment dans ma démarche s’est ajoutée l’encaustique : une technique millénaire qui s’effectue avec de la cire d’abeille, des pigments et de la gomme de Damar.
Souvent, un graffiti qui fait partie d’un langage inventé se retrouve dans une partie de la toile ou du papier. Il s’agit là d’une calligraphie, d’une gestuelle dans ma facture artistique. Parfois le public la voit, parfois elle se dérobe.
Mon œuvre s’inscrit dans la mémoire des sons et des lieux, qui s’accompagnent l’un et l’autre comme une poésie picturale. Une poésie tactile, qui permet à celui qui regarde de ressentir l’universel, la beauté du monde.
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Texte de catalogue
Comme l'indique le titre de cette exposition, Sylca: la route vers les sommets, Sylvie Carole Turcotte, alias Sylca, aspire à rejoindre les sommets de l'expression artistique. En fait, elle ne ménage rien pour poursuivre cette noble entreprise. De plus, elle relève le défi en ayant pratiquement reçu aucune formation en art. Peu étonnant qu'il émane des œuvres présentées une telle expressivité.
En ce sens, Rose Marine illustre parfaitement ce que l'auteur du présent texte qualifie de « superchromatisme », étant donné la cacophonie des couleurs qui occupent le premier plan de cette toile. L'impact provient de la prédominance du rouge, du bleu et du jaune, c'est-à-dire les trois couleurs primaires. L'artiste les utilise non seulement pour produire les couleurs secondaires, le vert et l'orange, mais aussi pour imiter un kaléidoscope. Évoquant les formes constamment variables de ce dernier, la nature informe de Rose Marine rappelle la transmutation, effet qu'accentuent ses couleurs qui semblent en état de fluctuation.
Des couleurs vives traversent le centre d'Alégria #1, où elles jouent le rôle d'un axe horizontal divisant en deux le plan du tableau. Plus précisément, elles servent à simuler un vortex, c'est-à-dire une masse fluide en rotation ou en tourbillon qui a tendance à tout diriger en spirale vers le centre. Il n'est donc pas étonnant que ce tableau nous donne l'impression de fixer l'œil d'un cyclone. Du coup, il communique une sensation de beauté dans la turbulence.
Pourtant, Alégria #1 est nettement à l'écart de l'art figuratif qui, lui, illustre des perceptions du monde visible. À quoi donc attribuer la vision articulée dans ce tableau? La réponse réside peut-être dans la théorie de Sigmund Freud (1856-1939), fondateur de la psychanalyse qui étudie les processus mentaux inconscients, nommément ceux qui ont cours à notre insu. Dans son important traité intitulé L'Interprétation des rêves (1899), Freud avance que, par les rêves, une idée ou un sentiment peut se transformer en image, de sorte que l'image du rêve représente une régression inconsciente des mots vers les images. Alégria #1 pourrait-elle être une image de rêve? Peut-être, et ce dans la mesure où Sylca crée intuitivement et spontanément toutes ses œuvres. En fait, elle ne fait ni esquisses, ni dessins, ni études préliminaires avant de peindre. La meilleure façon de considérer son processus artistique est peut-être donc de le voir comme la technique littéraire du « stream of consciousness » ou une sorte d'automatisme qui suit le mouvement de la pensée.
Cela explique la perspective soi-disant « psychologique », telle que représentée par Le magicien de l'avenir. Ici, l'artiste dépeint des fleurs en accord avec leur intérêt psychologique plutôt qu'avec leurs proportions naturelles. De plus, Sylca pousse la figuration à la limite de l'art abstrait qui, lui, n'imite ni représente directement la réalité extérieure. Elle y arrive en adoptant en fait une approche perspectiviste qui porte le nom d'anamorphose, d'un mot grec signifiant « transformer ». Cette approche explore l'expérience de voir un objet à partir d'un point de vue radical qui le déforme complètement. Nous pouvons de cette manière discerner comment Le magicien de l'avenir fait écho à une crise psychotique avec ses humeurs exaltées, expansives ou irritables qui s'accompagnent d'idées erratiques en même temps que d'un état de distraction et d'agitation. Ce scénario psychotique va de pair avec les couleurs psychédéliques du tableau. Elles signalent un état de perception et de conscience accrues.
En somme, l'œuvre de Sylvie Carole Turcotte donne à voir au-delà du regard.
Norman F. Cornett, ph.d.
------------------------ Le professeur Norman F. Cornett est un spécialiste indépendant et un traducteur.
Norman F. Cornett, ph.d., explore la relation entre culture, politique et religion. Ses textes sont publiés dans des revues académiques américaines et canadiennes, et il donne des ateliers sur les arts en français et en anglais.
Ne cherchez pas Sylca
Ne cherchez pas Sylca, vous ne la trouverez pas.
Sylca est comme l'énergie, on ne peut la voir.
Pourtant, elle est présente. Elle est partout.
Ses couleurs manifestent sa présence !
Et dans leur tumulte, c'est la Nature qui
s'exprime.
Voilà qui est Sylca : une force de la Nature !
Et toute la magie de sa peinture réside dans
l'évocation des éléments.
Elle les évoque avec tant d'humanité que
lorsqu'on regarde à travers elle, des formes se
déploient.
Des formes à l'apparence humaine...
Une peinture de Sylca, c'est la possibilité de se
retrouver au cœur de la Nature.
Sylca, c'est la vie
À propos de l’artiste
Sylvie Carole Turcotte, l’artiste Sylca, est née à Drummondville, sur le bord de la rivière Saint- François, puis a grandi au cœur du Québec. Troisième enfant d’une famille de six. Petite-fille d’un tisserand qui a travaillé pendant près de 30 ans dans une usine de textiles, Sylca a appris le métier de tissage traditionnel à la mi-vingtaine. Son père est sculpteur et la créativité est à l’honneur dans cette modeste famille.
Ses toiles, riches de textures et fibres textiles sont presque organiques. Simultanément figuratives et abstraites, ses œuvres se déclinent surtout à l’acrylique et en matériaux mixtes.
Sylca a exposé ses toiles au Canada, en France et en Belgique, et a reçu une mention de « Grande distinction » en 2008 et 2009 du Cercle des Artistes Peintres et Sculpteurs du Québec. Elle est membre professionnel du Regroupement des artistes en arts visuels du Québec (RAAV) et du Front des artistes canadiens (CARFAC). Ses tableaux font partie de collections privées dans plusieurs pays, notamment aux Etats-Unis, en Italie et en Australie, en plus du Canada.
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